J’ai vécu autrement de ce que devait être la vie d’une personne issue des marges marocaines, et j’ai su que l’on ne pouvait pas tout expliquer par les déterminismes géographiques et sociaux.

J’ai appris, dans mon enfance, à escalader les collines, à me baigner dans les lacs, à chasser les perdrix et à faire attention aux rencontres surprises avec de la faune sauvage. Mais je n’étais pas préparé à quitter mon douar, à soutenir la comparaison et la compétition. En le quittant, j’ai compris que la majorité des habitants de montagne, débutait leur vie avec une multitude d’handicaps. Et depuis, chaque voyage en dehors de mon douar, était vécu comme une épreuve d’alpinisme. Tantôt je m’émerveillais, tantôt j’avais la peur au ventre. Tout dépendait, en fait, des personnes rencontrées et des contextes où j’ai eu l’occasion de m’émouvoir.

A la marge de ce chemin, j’ai vu et entendu les cris des personnes qui se barricadaient derrière l’identitaire et s’alimentaient d’un victimisme pathologique. J’étais surpris de comprendre qu’ils ne se sentent à l’aise que dans les contextes de tensions et de crises.

Au cours de cette marche, j’étais frappé par la culture du silence et l’art de ne pas écouter, alors que nous devions pourtant gérer ensemble les incertitudes. En fait, l’exercice de la responsabilité dans un environnement non normé, isole et devient une source des doutes.

En contemplant aujourd’hui mon douar, je me rends compte combien c’était toujours difficile d’instrumentaliser à l’infini le champ de distorsion de la réalité, même si la perspective globale annoncée est de nature à exorciser, pour tous, les peurs de l’inconnu.